Après moult aléas, le secteur dans lequel nous devions aller randonner deux ans auparavant s’ouvre enfin à nous. La météo annoncée pour les six jours semble bonne, seules les températures ne sont pas trop appropriées à la randonnée à ski, trop chaudes. On s’en accommodera.
Le groupe se compose de Benjamin, Laurent, Patrice, Philippe et moi-même (Stéphane).
Dimanche 14 :
Départ à 7h de chez Laurent avec son véhicule « funéraire »… Afin de partir avec une seule voiture, cette dernière est affublée en guise de coffre de toit d’une structure en bois à s’y méprendre avec un cercueil… D’ailleurs, le regard des gens que nous doublons ou qui nous doublent, nous rappelle cet élément hors du commun au dessus de nos têtes…mais très pratique.
Bref, après plus de sept heures de route nous n’arrivons pas sans mal à Pralognan-La-Vanoise. En effet, nous ne faillîmes jamais arriver à cause d’un problème de vanne EGR sur les vingt derniers kilomètres (problème d’injection pour les non initiés à la mécanique auto). Cela oblige à rouler en côte aux alentours des 30 kms/h. Vous imaginez le tableau. Fort heureusement ce jour-là, la route de Pralognan n’était pas trop fréquentée. Problème causé selon certains par la conduite trop « mollassonne » d’un grand-père. Le seul grand-père du groupe se reconnaîtra…
Après ces péripéties routières (on verra bien pour le retour, ça descend mais pas jusqu’à Toulouse…), nous préparons nos sacs sur le parking pour monter à notre camp de base, le refuge du Col de la Vanoise (ou Felix Faure) à 2516 m . Pour ne pas commencer trop violemment dans le dénivelé, nous empruntons deux télésièges qui nous permettent d’économiser 500 m et de démarrer réellement la montée à 2010 m. Vers 18h, nous arrivons au refuge et constatons que la neige ne manque pas vraiment. Une partie du refuge est encore sous la neige. Nous prenons possession de notre chambre de douze places, nous serons les seuls dans celle-ci (sympa de la part du gardien). Nous prenons le repas à 19h, ce dernier est bon et augure que l’on ne va pas perdre beaucoup de poids durant ce séjour…On n’est pas venu pour ça non plus !! Nous nous couchâmes donc le ventre bien rempli.
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Lundi 15 :
Les températures annoncées étant chaudes pour toute la semaine, les réveils seront matinaux. Ce lundi, il sera à 6h (test) pour un départ à 7h à destination de la Pointe du Creux Noir (3154 m). Ce sommet se situe au N-O du refuge, il faut perdre environ 150 m pour débuter la montée. Elle se déroule au début par de grandes pentes avec la traversée d’un lac (gelé bien-sûr à cette saison). A mi-chemin, se trouve un passage étroit sur environ deux cent mètres de dénivelé. Assez délicat surtout pour le retour car ce dernier est au pied de pentes abruptes d’où peuvent partir des avalanches de fonte. Des stigmates de la veille sont présents…Après ce passage, le relief se ré-ouvre sur un vallon à trois quart tournant sur la gauche pour mener au sommet. De là, nous commençons à observer les différents objectifs de la semaine (Pointe de La Rechasse, Grande Casse, traversée du glacier de La Vanoise), magnifique. Tout le monde est enchanté.
Nous ne traînons pas non plus au sommet car l’heure tourne et le soleil commence à faire son effet sur les pentes S-E…La neige au sommet est poudreuse (combe N-E) pour ensuite se transformer en neige de printemps plus ou moins molle. Le passage délicat est franchi pas sans mal car une coulée de la veille rend difficile le ski. Ensuite nous finissons dans de grandes courbes…pour remonter au refuge en peau.
Vers 13h, nous voilà attablés dans la salle à manger du refuge pour attaquer saucissons, fromages et pains. Comme d’habitude, certains ayant peur de manquer ont monté de quoi nourrir un régiment… A côté de nous, deux randonneurs ont commandé l’omelette du refuge. Un truc de malade, juré, demain c’est à notre tour de la goûter. Tant pis pour l’écoulement des stocks…
Le reste de la journée se borne comme d’habitude à faire la sieste pour certains, à flâner aux abords ou à l’intérieur du refuge pour les autres. Et à manger à 19h…
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Mardi 16 :
L’objectif du jour est La Pointe de La Rechasse (3212 m) en boucle. Retour en passant par le passage de l’entre deux eaux et la vallée de la Leisse. Le « clairon » sonne à 5h car la sortie sera plus longue avec un passage en face E du massif de La Rechasse que l’on ne doit pas aborder après 10h à cause de la chaleur. Le départ du refuge s’effectue peu après 6h. Nous attaquons les premières pentes du glacier de La Vanoise. Après environ une heure, le premier problème mécanique du séjour survient pour Laurent. Une de ses fixations avant est « branlante » . Pas possible de continuer comme ça avec le risque d’un arrachement complet en descente. Il décide donc de redescendre au refuge et ensuite de filer sur Pralognan pour faire réparer (heureusement que nous sommes en raid « étoile », en raid « itinérant », bonjour la galère). Pour nous l’aventure continue en direction de La Rechasse. Le temps est un peu nuageux, ce qui retarde le réchauffement (ce n’est pas plus mal). Arrivés au sommet, le ciel est brumeux et nous allons descendre dans le jour blanc, en espérant que cela s’ouvre rapidement. La première pente est assez raide et en neige dure. Dommage pour une pente à plus de 40°, en neige printemps et une bonne visibilité, cela aurait été super. Plus nous descendons plus le soleil se mêle à la partie. Vers 2200 m, nous arrivons au point le plus bas qui nous oblige à remettre les peaux pour attaquer la remontée au pied du plateau de la Rechasse. Un endroit où il ne faut pas rester plus que ça à cause des risques de coulées. L’espacement est de rigueur. Après ce passage délicat, nous attaquons le vaste vallon qui remonte vers le refuge. Là, nous faisons une bonne pose avant de finir notre route.
Arrivés au refuge, Laurent n’est toujours pas rentré de Pralognan. Cela ne nous empêche pas de commander la fameuse omelette tant convoitée…Excellente à la vue comme à la dégustation !!
L’après-midi se déroule à flâner et à regarder les coulées de fonte qui dévalent le massif de la Grande Casse sans oublier de faire quelques parties de Polignac…Jeu de cartes de l’enfoiré par excellence…les connaisseurs ne démentiront pas . Laurent nous rejoint en fin d’après-midi avec sa fixation à nouveau scellée. D’autres infortunes viendront…
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Mercredi 17 :
Après information sur la météo la veille au soir, nous décidâmes d’aller ce jour à l’objectif du raid : la Grande Casse (3855 m). Le temps se gâtant le vendredi, il est plus sage de la faire ce mercredi. Le départ se fait avant 6h, cela est plus prudent pour le retour. Les coulées de la veille nous obligent à déchausser une première fois vers 2750 m. Après ce premier passage « piéton », on remet les skis aux pieds mais arrivés au pied des Grands Couloirs (3250 m) la mise des skis sur le sac est à nouveau de mise. La pente à 35-40° et les coulées rendent la progression à ski quasiment impossible. Vers 3650 m, nous pouvons remettre les skis et terminer l’ascension sauf pour Patrice qui est victime à 100 m du sommet d’un arrachement de sa fixation avant . Il n’ira pas au sommet mais s’équipera rapidement pour descendre à pied. Quel dommage !! Surtout que du sommet, une vue imprenable sur le massif alpin nous est offerte (Mont-Blanc, Mont Rose, Grand Paradis, Ecrins, Meige…). Nous attaquons la descente sans Patrice. Benjamin partant très vite pour aller rejoindre notre infortuné compagnon dans la descente. Pour nous, la descente s’effectue dans une neige assez agréable jusqu’à l’entrée des Grands Couloirs où là la pente à 40° sur de la neige très dure oblige à une certaine prudence pour ne pas tomber et dévaler les 400 m sur les fesses, au mieux…
Du haut, nous apercevons Benjamin et Patrice, à pied ce dernier n’a vraiment pas traîné.
Après les Grands Couloirs, nous abordons des pentes plus douces avec en prime de la neige de printemps très agréable. Nous retrouvons quelques minutes après nos deux compagnons. Comme les pentes s’adoucissent vraiment sur la fin, Patrice remet les skis car plus il descend plus il s’enfonce dans la neige molle.
De retour au refuge, content de notre ascension, l’omelette est amplement méritée (bis) Patrice prend le temps de la déguster en notre compagnie avant de faire comme Laurent la veille, descendre à Pralogan pour faire réparer son ski. Quelle santé ce Patrice !!! On reconnaît bien là l’ancien champion cycliste, pas avare dans l’effort. Au final, il aura fait dans la journée près de 1900 m de dénivelé positif et une descente à pied !!
Dans l’attente du retour de Patrice, chacun vaque à ses occupations…
C’est la dernière soirée à ce refuge car le lendemain nous attaquons la traversée du glacier de La Vanoise (plus de la moitié) pour aller dormir au refuge non gardé de La Valette (2590 m).
Nous finissons la soirée par la dégustation d’un génépi généreusement offert par le gardien.
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Jeudi 18 :
Une grosse journée nous attend : 1100 m de dénivelé sur environ 15 kms…
Le départ se fait comme la veille, aux alentours de 6h à la pointe du jour.
Après 500 m de montée, nous accédons au glacier (3000 m), quelle « platitude » comme aurait dit une certaine femme politique…Nous effectuons environ 3 kms sur ce terrain quasiment plat. Au bout (alt 3150 m), nous attend une courte descente jusqu’au Col de Pelve (2990 m) pour ensuite remonter en direction du Dôme des Sonnailles (3350 m). Là, l’équipée se divise en deux. Laurent et Benjamin préfèrent nous attendre au Dôme des Sonnailles pendant que Patrice, Philippe et moi-même allons faire le Dôme de Chasseforêt (3586 m) en aller-retour. Cela leur évitera un surplus de 5 kms avant d’attaquer les 1350 m de descente vers le refuge de La Valette. Un peu moins d’une heure après, nous retrouvons nos camarades « lézardant » sur les rochers du Dômes des Sonnailles…près à attaquer la descente.
Nous effectuons la descente, pas des plus simples, sur des pentes assez raides purgées fort heureusement les jours précédents. Les sacs lourds ne facilitant pas la tâche…Je m’aperçois également que je me suis trompé d’itinéraire de descente et que nous sommes partis dans le « déversoir » de gauche et non de droite. Erreur de topographie sur la carte ou mauvaise lecture de ma part ? Bref, cela est sans conséquence car cet itinéraire débouche également vers le refuge. Arrivés à ce dernier, nous découvrons un groupement de petit chalet en bois. Fort heureusement, le gardien était passé six jours auparavant pour dégager la porte d’entrée de celui servant de refuge d’hiver sinon à l’arrivée, perception des pelles et dégagement d’au moins 5 m3 de neige…Bonjour la suée !!
Bref, le travail à l’arrivée se bornera à allumer le poêle, pas sans mal…et à refaire du petit bois. Patrice se distinguant dans le maniement de la hache. Sans le savoir, cet homme doit descendre d’une famille de bourreau… Tout ça, pour permettre au grand-père du groupe (toujours le même…) de ne pas avoir trop froid…
La soirée se bornera à manger et à terminer pour certains les surplus de prune (pas en forme de fruit…) et de rhum…
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Vendredi 19 :
C’est le retour à la civilisation…La descente vers Les Prioux (1710 m) s’effectue en partie dans le brouillard . A mi-parcours, la malchance s’abat à nouveau sur Laurent qui casse dans un appui languette dont il a le secret un de ses skis… Il faut dire que la neige devenait de plus en plus lourde. La fin de la descente pour lui ne sera pas vraiment une partie de plaisir. Aux Prioux, nous nous dirigeons vers Pralognan par la piste forestière qui reste à cette époque encore bien enneigée et surtout traversée par des coulées dans lesquelles il ne vaut mieux pas être pris…
Il est temps d’arriver car le brouillard se transforme petit à petit en crachin breton…
Arrivés à Pralognan, nous rangeons toutes nos affaires, prêt à reprendre la route pour Toulouse en espérant que le problème d’injection de l’aller ait disparu. Après quelques mètres d’accélération, Laurent nous rassure sur l’injection. Direction donc Toulouse mais pas à tombeau ouvert…
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En résumé, ce fût un raid fort réussi (à part les casses matérielles) avec une météo plus que clémente dans un secteur propice au ski de randonnée. Concernant le refuge du Col de La Vanoise, rien à dire car l’accueil fut chaleureux et la nourriture très bonne. Pour le refuge de La Valette, l’endroit est très sympa et très bien entretenu.
Je remercie également tous les participants du raid qui ont comme d’habitude su être à la hauteur des efforts physiques demandés et de la vie en communauté. Bravo à tous.
Stéphane