Faire le Mont-Blanc à skis en compagnie de Philippe était un objectif commun depuis plusieurs années mais les conditions par rapport aux diverses contraintes ne nous avaient pas permis de le faire.
Cette année, nous avions carrément envisagé de rester du 19 au 25 avril à Chamonix une semaine après le retour du raid dans l’Ortlès (Italie). Malheureusement la météo était trop mauvaise pour tenter le coup sur cette période. Nouvelle désillusion tout en proposant à Philippe de « pister » les conditions et si les conditions s’y prêtées d’y aller sur quatre jours en oubliant un peu l’acclimatation à l’altitude.
Je scrute donc la météo et les conditions nivologiques régulièrement. Le 14 mai, les conditions semblent propices entre le dimanche 18 et mardi 20 mai. Je propose donc à Philippe le programme suivant :
– Samedi 17 : trajet aller jusqu’à Chamonix
– Dimanche 18 : montée via le téléphérique de l’aiguille du Midi au refuge des Cosmiques (3613m) pour y passer une partie de la nuit
– Lundi 19 : montée au Mont-Blanc (4808m) par l’itinéraire des 3 monts et descente jusqu’au refuge des Grands Mulets (3051m) pour passer la soirée et la nuit
– Mardi 20 : descente jusqu’à la station intermédiaire du téléphérique au plan de l’aiguille (2312m) pour redescendre jusqu’au parking puis trajet retour à Toulouse
Le jeudi nous réservons les deux refuges et vendredi je contacte Yuji (guide de notre séjour japonais en janvier/février dernier) qui est arrivé en France début avril pour qu’on dîne ensemble le samedi soir. Ce dernier me propose qu’on fasse le Mont-Blanc ensemble, proposition que j’accepte bien entendu. Ceci tout autant qu’il puisse réserver les refuges.
Samedi 17 :
N’étant pas pressés, nous partons de Toulouse vers 9h00 en passant par la N88 même si Philippe m’informe que la météo a « bougé » et que le mauvais temps arrive plus tôt que prévu (nuit du lundi au mardi). Elément qui pourrait compliquer mardi matin le retour depuis le refuge des Grands Mulets car je ne connais pas le parcours en passant par le secteur glaciaire de la « Jonction ».
Nous arrivons à Chamonix vers 19h où nous retrouvons Yuji au restaurant pour manger et discuter du programme. Yuji n’ayant pas eu de place dans les refuges, il décide d’aller faire le Mont-Blanc le dimanche à la journée en prenant la première benne à 7h30 et en descendant en partie en parapente. Après réflexion et prenant en compte le changement de météo, nous décidons de faire comme lui, le Mont-Blanc « one shot » à la différence que nous nous ne descendrons pas à Chamonix en skis + parapente mais en skis + à pied…
Nous quittons le restaurant et nous nous donnons rendez-vous le lendemain à 6h45 sur le parvis de la gare du téléphérique de l’Aiguille du Midi.
Dimanche 18 :
Réveil 5h30 pour être à l’heure à Chamonix et retrouver Yuji. Nous prenons les billets pour être dans la première benne de 7h30 où se trouvent à la fois des skieurs pour le Mont Blanc et des alpinistes pour des voies qui sont nombreuses dans le secteur.
Nous arrivons à l’Aiguille du Midi (3800m) où à 8h00 nous attaquons par descendre l’arête skis sur le sac (classique pour les skieurs qui font la fameuse Vallée Blanche en hiver) qui permet d’atteindre le plat (3680m) où nous chaussons pour aller vers le col du Midi (3520m) pour démarrer l’ascension du Mont Blanc du Tacul, plus exactement rejoindre l’Epaule Ouest (4100m). La montée se fera en combinant skis aux pieds et skis sur le sac en fonction du terrain. L’épaule est atteinte 2h45mn après notre départ de l’Aiguille.
La deuxième étape consiste à glisser au col Maudit (4029m) pour ensuite attaquer la montée vers le col du Mont Maudit (4350m). Les 300 mètres de dénivelé se fera d’abord skis aux pieds jusqu’à la côte 4180, bloqués par une rimée qui nous obligera à mettre les crampons. Même si la rimée fait moins de 3 mètres, elle nous impose du fait de sa verticalité à avoir deux piolets, matériel que nous avions (bien renseignés par la gardienne du refuge des Cosmiques)… Si nous n’en avions eu qu’un, un « bienveillant » avait placé à demeure une corde pour de « l’artif ». Pour Philippe, c’était une première ce type de passage. La rimée franchie, nous gardons les skis sur le sac pour continuer jusqu’au col car la pente est trop forte pour remettre les skis aux pieds. Environ deux heures après l’Epaule du Tacul, nous arrivons au col. Dans cette montée, Yuji nous a un peu distancé mais nous attend quand même au col de la Brenva (4314m) avant d’attaquer la troisième étape de l’ascension, à savoir le franchissement du Mur de la Côte (4470m) pour finir ensuite sur une longue distance à cette altitude jusqu’au sommet (4808m). A partir de là, le vent se met à forcir (environ 40km/h) et l’altitude se fait vraiment sentir surtout pour Philippe et moi non acclimatés… Pour Yuji, ça semble beaucoup moins dur car on le voit s’éloigner de plus en plus rapidement. Nous ne le reverrons plus jusqu’à la descente… 😊 Les quelques mètres de la partie finale du Mur de la Côte légèrement glacée nous oblige à remettre les skis sur le sac… Nous remettons les skis au pied pour attaquer les 320 derniers mètres de dénivelé jusqu’au sommet avec un vent de plus en plus fort. Après 170 mètres de montée, nous rejoignons l’épaule terminale qui mène au sommet mais aussi à la « porte » d’accès à la face Nord pour descendre. Après réflexion sur le temps que j’estime pour aller jusqu’au sommet, les conditions de vent (plus de 50 km/h) et également le temps de descente jusqu’à Chamonix (pas de nuit réservée au refuge des Grands Mulets et vu l’heure, plus de descente possible en téléphérique depuis la gare intermédiaire du Plan de l’Aiguille à 2300m), je fais le choix de renoncer à la côte 4650. Frustrant mais Philippe comprend ma décision. « Dépeautage » et mode descente fait, prêts à attaquer la descente, nous voyons Yuji nous rejoindre après qu’il ait fait le sommet. Chose à laquelle je ne m’attendais pas car il nous avait vraiment distancé. Ça me conforte dans ma décision. Nous allons donc descendre tous ensemble par la face Nord.
Dès les premiers virages, je sens pour ma part que cela ne va pas être une descente « rando » car il me manque un peu d’oxygène dans les muscles certainement dû à l’altitude. Sensation jamais ressentie… Cela n’enlève pas à la beauté de l’endroit et la grandiosité de ce secteur. Par ma relative « lente » descente dont Yuji et Philippe n’en revienne pas (première fois qu’il me voit descendre aussi doucement…😊). Tout le monde profite de ma vitesse « escargot » pour s’émerveiller de la beauté de cette immensité glaciaire s’en pour autant négliger la sécurité car un passage dans le secteur des Grandes Montées nous rappelle que des séracs de la taille d’un immeuble peuvent se détacher… Bon an mal an, nous arrivons au refuge des Grands Mulets (3051m) où nous allons quitter Yuji car lui va finir la descente en parapente jusqu’à Chamonix alors que nous nous allons vers un temps de retour inconnu… Nous regardons Yuji s’envoler. Pour Philippe et moi, c’est direction la Jonction en skis. Je suis agréablement surpris de l’enneigement sur le passage de la Jonction. Les « trous » sont encore bien bouchés. J’appréhendais un peu ce passage qui peut être délicat à cette époque.
La traversée du dernier secteur glaciaire (Plan Glacier) faite, nous continuons en direction de la gare intermédiaire du Plan de l’Aiguille en alternant skis au pied et skis sur le sac imposé par le terrain. Nous mettrons 3h pour rejoindre la gare du téléphérique et il est 21h… De la gare, nous rechaussons les skis pour descendre jusqu’au refuge du Plan de l’Aiguille (2207m) où nous préparons notre sac pour attaquer la descente à pied jusqu’au parking où est garée la « bétaillère Kangoo ». Il est 21h30 quand nous démarrons, la frontale sera vite allumée et nous arriverons à la voiture à 00h10 bien comptant d’arrêter le chrono… 😊 Nous ne nous attendions pas à une descente de sentier si longue. La course aura duré 16h15. Le dodo sera bien mérité.
Lundi 19 :
Vers 9h30, nous nous levons après une bonne nuit… Après le petit déjeuner et le regroupement de toutes nos affaires nous prenons la route, direction Toulouse avec un jour d’avance… 😊
Je conclurai par dire que même si nous n’avons pas pu atteindre le toit de l’Europe occidentale, Philippe et moi sommes ravis d’avoir fait cette course en passant par l’Epaule du Tacul, le col du Mont Maudit et descendre par la face Nord du Mont Blanc. Cet itinéraire est fabuleux.
Ce sera l’occasion de retenter ce Mont Blanc en passant si les conditions s’y prêtent par l’arête Nord du Dôme du Goûter. Affaire à suivre 😉
Stéphane